50¶È»Ò

Surveillance et Prévention dans le domaine de "One Health": Entretien avec Marisa Peyre, chercheuse au CIRAD

R
Research Publishing
By: undefined, Thu Nov 9 2023

Dans cette nouvelle interview de notre série consacrée aux travaux de recherche de nos auteurs en France, nous abordons le concept d’une seule santé (One Health) et le rôle des systèmes de surveillance épidémiologique, l'initiative internationale PREZODE (Preventing Zoonotic Disease Emergence) et la manière dont l'approche One Health peut être intégrée dans les politiques publiques pour relever les défis mondiaux.

Notre invitée, Marisa Peyre, épidémiologiste spécialisée en évaluation des systèmes de surveillance et de contrôle des maladies animales, zoonotiquess et émergentes, nous présente les messages clés de son livre et nous explique comment la co-construction avec les pays du Sud peut promouvoir l'équité en matière de santé globale.

Quels sont les messages clés présentés dans votre livre, Principles for Evaluation of One Health Surveillance : The EVA Book publié avec Springer en 2022 et comment contribuent-ils au domaine d’une seule santé ?

Le livre souligne l'importance de l'évaluation de la surveillance, en particulier dans le domaine de la santé animale, mais aussi de manière générale. Il met en évidence que de nombreuses stratégies de surveillance sont souvent mises en place sans une évaluation rigoureuse, ce qui peut conduire à des ajustements empiriques. Le livre insiste sur la nécessité d'évaluer les systèmes de surveillance pour assurer leur efficacité, car ils fournissent des données essentielles pour informer les stratégies de santé publique. De plus, il insiste sur une évaluation participative prenant en compte les besoins et les contraintes des acteurs impliqués, comme, par exemple, les éleveurs, les chasseurs et la communauté au sens large.

L'essentiel est d'adapter les stratégies de surveillance en fonction des utilisateurs, car leurs contraintes influencent les performances des systèmes. Le livre souligne également l'importance de connecter les stratégies de surveillance des maladies avec ceux qui les mettent en oeuvre sur le terrain, en insistant sur une évaluation qualitative et participative. Cette approche favorise l'acceptation et la mise en œuvre des recommandations, rendant le processus significatif pour les acteurs impliqués.

Il met également en avant l'importance de l'évaluation économique pour comprendre les motivations sous-jacentes dans la prise de décision et l'utilisation des ressources dans le contexte de la surveillance.


Comment l'approche d’une seule santé  peut-elle contribuer à relever les défis mondiaux tels que les maladies infectieuses émergentes et le changement climatique ?

L'approche « Une seule santé Â» relie la santé humaine, animale et environnementale pour aborder des défis mondiaux tels que les maladies infectieuses émergentes et le changement climatique. Nos actions humaines ont un impact sur l'environnement et la santé des animaux, ce qui peut affecter notre santé à long terme. Actuellement, la prévention des risques de maladies émergentes subi les contraintes similaire à la lutte contre le changement climatique, tout le monde est d’accord avev le concept mais le financement de ces mesures est un défi en raison de l'accent mis sur les résultats immédiats alors que les résultats de la prévention seront observés à très long terme et le résultat principal est l’absence de crise sanitaire, ce qui constitue le paradoxe de la prévention.

Cependant, des outils sont maintenant disponibles pour mesurer par le biais de proxy et d’indicateurs spécifiques les résultats de ces actions préventives, indispensables à la réduction des risques d’émergences de maladies et de changement climatique. L'approche « Une seule santé Â» offre une solution intégrée à ces défis mondiaux.


Qu'est-ce que l'initiative  et comment vise-t-elle à promouvoir la recherche et la collaboration dans le domaine d’une seule santé afin de prévenir les prochaines pandémies ?

L'initiative Prezode vise à changer fondamentalement la manière dont nous abordons la surveillance et la prévention des maladies. Elle met l'accent sur la compréhension des pratiques locales et la recherche de solutions adaptées en collaboration avec les acteurs locaux, tout en favorisant une approche proactive et participative pour réduire les risques. Prezode insiste sur la nécessité de travailler en étroite collaboration avec les communautés pour comprendre leurs besoins et leurs contraintes, puis trouver des solutions viables. Cette approche s'applique à divers domaines, de la consommation de viande d'animaux sauvages à la gestion des élevages et des pratiques agricoles.

De plus, Prezode met en avant l'importance de la coordination internationale des actions pour éviter la fragmentation des efforts et garantir une utilisation optimale des ressources. Elle encourage la collaboration entre diverses institutions et initiatives internationales pour assurer une réponse plus efficace à la prévention des maladies, avec un engagement fort des décideurs politiques. En résumé, Prezode promeut une approche globale, locale et collaborative pour prévenir les risques de maladies.


Comment la co-construction avec les pays du Sud peut-elle contribuer à promouvoir l'équité dans les initiatives et la recherche en faveur d’une seule santé ?

La co-construction avec les pays du Sud est essentielle pour assurer l'équité au sein des initiatives dédiées à la santé globale. Elle permet d'adapter les solutions aux contextes locaux, de travailler en collaboration avec les communautés, et de surmonter les obstacles spécifiques. La co-construction nous aide à identifier les problèmes spécifiques et à trouver des solutions adaptées, souvent bottom-up, qui tiennent compte des contraintes locales. L'objectif ultime est de permettre aux pays de gérer leur politique de prévention des émergences de manière autonome, avec éventuellement un soutien international, mais en fin de compte, en s'appuyant sur leurs propres ressources nationales.

Cependant, la co-construction peut être un défi, même au sein de la communauté scientifique, car les gens ont du mal à quitter leur zone de confort. Mais la persévérance est essentielle pour passer des paroles aux actions concrètes.


De quelle manière l'approche One Health peut-elle être intégrée dans les politiques et les processus de prise de décision afin de relever les défis mondiaux ? Comment les éditeurs peuvent-ils aider à diffuser ce message ? 

L'intégration de l'approche One Health dans les politiques et les processus   de prise de décision pour relever les défis mondiaux implique des mécanismes de financement plus souples pour soutenir des projets multidisciplinaires interconnectés et co-construit en amont avec toutes les parties prenantes. Un exemple positif est le « Fond des Pandémie Â» hébergé par la Banque mondiale. Actuellement, les organismes de financement opèrent dans des domaines distincts, compliquant ainsi la gestion et le financement de projets multidisciplinaires.

De plus, nous devons tenir compte du temps nécessaire à la co-construction de projets avec les acteurs nationaux et locaux pour garantir la pertinences des projets aux besoins spécifiques de chaque communauté. Nous plaidons également pour l'inclusion d'un chapitre dédié à la prévention dans les accords mondiaux sur les pandémies, afin de renforcer les actions préventives, les dialogues science-société-politiques et la détection précoce.

En tant qu'éditeur, la visibilité joue un rôle crucial pour diffuser ces messages complexes au nom des scientifiques, favorisant ainsi les changements de pratiques nécessaires. L'objectif est de développer des outils, des méthodes, des compétences pour concrétiser ces concepts à du local au global, en établissant un lien entre la recherche et la politique tout en prenant en compte les réalités locales. Les médias, en particulier les médias spécialisés, ont un rôle clé dans l'explication de ces concepts et la sensibilisation aux risques sanitaires, même si leur efficacité peut varier d'un pays à l'autre.



A propos de Marisa Peyre

Marisa Peyre

Marisa Peyre est épidémiologiste spécialisée en évaluation des programmes de surveillance et de contrôle des maladies animales, zoonotiques et émergentes, avec une formation initiale (PhD) en immunologie (santé humaine) et une spécialisation en économie et en évaluation des programmes de santé. Elle travaille depuis 15 ans au CIRAD où elle mène des recherches en évaluation des systèmes de surveillance et de contrôle (de maladies animales et/ou zoonotiques par ex. ebola, influenza ou coronavirus) du niveau local au global en Europe, Asie du Sud Est et en Afrique. Elle est membre du Panel d’Experts Technique (TAP) du Fond des Pandémies. Elle est également la coordinatrice de l'initiative Prezode pour CIRAD.